18 mars 2018: “La méditation zen est ce qui me soutient” – Anlor Davin, RIAU 2018
Je remercie mille fois mon éditeur français de son aide pour écrire cet article, sans elle il ne serait certainement pas aussi bien “français”!, http://fabrique-editions-handicap.com/etre-reconnue.html
18 février 2018: Anlor Davin sera présente au salon international de l’autisme RIAU 2018
Merci Françoise!http://fabrique-editions-handicap.com/etre-reconnue.html
Pour écouter des extraits d’Être reconnue, lus par l’auteur : cliquer ici Pour lire l'analyse de l’AFFA : cliquer ici
2 juillet 2017
Dans ce récit qui ne manquera pas de rappeler ceux de Temple Grandin et de Gunilla Gerland, Anlor Davin revisite, avec une précision stupéfiante, sensations, anecdotes et péripéties de sa vie de part et d’autre de l’Atlantique à la lumière de son diagnostic tardif de syndrome d’Asperger.
Alarme – Petite fille indépendante, certes intégrée mais « bizarre », un peu sauvage mais finement attentive à son environnement, Anlor Davin vagabonde sur les plages, pédale sur les sentiers des Sables d’Olonne, accumule les sensations et observe, perplexe, son environnement, parfois tentée de mettre fin à sa vie. Initiée très tôt au tennis par son père, elle s’entraîne inlassablement en solitaire sur le mur de pratique du club de tennis voisin.
L’adolescence signera la fin de ses fugaces amitiés, et c’est la pratique de la compétition et la fréquentation de joueurs internationaux qui lui offriront un semblant de sentiment d’appartenance.
Rencontre amoureuse, elle part en région parisienne.
Rencontres douteuses avec des hommes plus âgés, elle confond amour et abus sexuel.
Découverte d’un lourd secret de famille, elle s’effondre.
Canada, Nantes, rencontres atypiques en cité U, idylle avec un étudiant américain : elle fuit la France où elle ne se sent pas à sa place.
Résistance – Chicago, mariage, divorce, errances et petits boulots. Avortement, remariage, maternité, reprise d’études. Mère célibataire, elle enseigne le français dans les quartiers difficiles de Chicago, alterne remplacements et fins de contrat non anticipés, connaît les frigos vides et s’épuise avec son petit garçon entre pannes de voiture et déménagements. Enfin, elle découvre la méditation.
Épuisement –Épuisée par son hypersensibilité sensorielle, sa mauvaise santé et l’instabilité de sa vie, Anlor se réfugie pendant six mois en Californie dans un centre de pratique de la méditation zen.
La suite sera tissée de péripéties qui la conduiront, enfin, à la reconnaissance de sa différence, un diagnostic et la rencontre de Greg, lui aussi autiste Asperger avec lequel elle partage désormais une vie apaisée en Californie.
Anlor Davin accompagne aujourd’hui d’autres personnes autistes dans la pratique de la méditation zen.
Elle sera présente au salon RIAU des 7 et 8 avril 2018.
LE PARCOURS QUI M’A MENE AU DIAGNOSTIC OFFICIEL DE MON AUTISME
Le parcours qui m’a mené à un diagnostic officiel a été douloureux et sinueux, ce qui malheureusement semble être le cas pour nombre de personnes autistes. A l’époque du diagnostic je manifestais plusieurs symptômes sévères inexplicables. Les trois principaux étaient :
- Des difficultés sensorielles extraordinaires : ce qui avait toujours été dans ma vie un seuil de sensibilité anormal vis-à-vis des sons, des lumières, etc. a été multiplié par cent à cette époque de ma vie.
- Insuffisance surrénale et faiblesse aigue.
- Douleur physique insupportable dans mon cou, qui s’est répandu sur tout mon côté gauche, de l’épaule au bas du dos, j’en finissais par boiter par moments.
J’ai vécu les premières 23 années de ma vie en France, et à l’époque peu de gens savaient ce qu’est l’autisme. Honnêtement, je suis vraiment heureuse de ne pas avoir été diagnostiquée en tant qu’enfant, car ainsi je n’ai pas été mise dans un institut psychiatrique, au lieu de quoi j’ai eu l’occasion de me construire une vie indépendante.
Il est ironique qu’il m’ait fallu exactement 23 autres années avant d’être diagnostiquée officiellement aux Etats Unis ! En bref, je n’avais jamais ni argent ni assurance médicale appropriée ; les cliniques de santé que ma petite assurance médicale me permettait de fréquenter n’étaient pas équipées pour les personnes comme moi. De fait elles finissaient souvent par penser que j’imaginais mes problèmes et ne me prenait pas au sérieux. Elles n’ont jamais devinées que j’avais besoin de voir un neurologue, et moi non plus je ne pensais pas à l’autisme, je savais pas du tout ce que c’est ! 46 années est une période prolongée et des ravages à long terme ont résulté : vers 2010, quand j’étais devenue clairement et de toute évidence franchement malade, plusieurs incidents ont précipité mon diagnostic :
- Malgré tout ce qui m’arrivait j’ai toujours continué à pratiquer toute seule chez moi et de manière assidue la méditation zen, ce qui m’a comme « orienté » vers de bonnes choses.
- Je me suis évanouie devant une assistante sociale de l’assistance publique des Etats Unis, ce qui leur a permis de se douter que quelque chose clochait : leur psychiatre, psychologue et autres experts m’ont alors évaluée.
- Après ces évaluations douloureuses (parce qu’à chaque fois que je devais aller dans un endroit public je ressentais des douleurs terribles) ils m’ont m’aidée à m’inscrire au programme fédérale pour les personnes handicapées des Etats Unis, la « Social Security Disability ».
- Après avoir été inscrit deux ans à la Social Security Disability, le bénéficiaire est automatiquement inscrit à l’assurance santé fédérale des Etats Unis, Medicare et j’ai enfin pu aller voir un spécialiste sans qu’il me soit nécessaire de passer par un médecin traditionnel.
Puisqu’à ce moment-là je n’étais même plus capable de me débrouiller seule (surtout en dehors de chez moi), un ami moine-prêtre m’a emmené voir un neurologue. Celui-ci m’a enfin diagnostiquée officiellement et j’ai pu recevoir des traitements appropriés.
Le médicament qu’on m’a donné après le diagnostic est ce qui a de manière inattendue amélioré mon sommeil. Je le prends le soir à petite dose et il me soutient aussi en général.
Mais la vraie raison de toutes ces améliorations, c’est ma pratique de la méditation zen. Cela fait 17 ans que je médite journellement et cette pratique me fait reprendre le droit chemin. Comme cela se fait de manière indirecte et subtile, il est facile de ne pas prendre cela en compte, mais je sais au plus profond de moi combien la pratique de la méditation m’apporte bienfaits illimités. Grace à elle, j’ai pu doucement renaitre.
Je désespère constamment du fait que les parents qui m’entendent maintenant parler à des conférences n’imaginent pas que leur enfant autiste a probablement beaucoup en commun avec moi et avec les autres autistes qui tentent aussi de partager leur expérience. Je n’ai été diagnostiquée qu’à l’âge « avancé » de 46 ans, et pour beaucoup cela signifie qu’il est possible de ne pas vraiment m’écouter.
En regardant récemment la vidéo d’un acteur français renommé qui est un adulte autiste, j’ai été frappée par sa remarque : ce qui lui a permis d’être « entendu » lorsqu’il venait tout juste de publier le premier livre sur son autisme, c’est le fait qu’il avait en sa possession des photos et des films le montrant durant son enfance, quand son autisme était évident.
Ma mère ne pensait pas que je « réussirais ». Mais il me semble que je me débrouille plutôt bien ces jours ci, même si on m’aide souvent. J’ai eu un enfant et je l’ai élevé bien que cela fut souvent si difficile ; ce qui est sure c’est que cela m’a forcée à grandir. Ce que l’on voit maintenant chez moi c’est le résultat d’une pratique journalière intense de la méditation.
Je veux hurler que nous devons garder la foi dans nos enfants, nous devons leurs donner plein d’occasions, nous devons adapter notre style de vie pour pouvoir emmener notre famille dans un environnement moins stressé, et nous devons laisser nos enfants agir de leur manière différente. Naturellement, il faut toujours trouver un équilibre entre la liberté d’être et la supervision.
Je n’aime pas prodiguer des conseils, mais ce que je dirais aux professeurs d’enfants autistes est de ne jamais cesser de les impliquer, d’éveiller leur intérêt. C’est grâce aux expériences qui lui sont offertes que l’enfant autiste peut apprendre et se développer, même si cela prend souvent une forme différente et beaucoup plus de temps. Il ne faut jamais perdre la foi que l’enfant autiste est compétent, il a souvent des aptitudes qui ne s’expriment pas immédiatement. Ayons confiance. Remettons-nous en question, nous ne sommes pas SUPERIEUR à l’enfant devant nous, qu’il soit autiste ou non. Chacun d’entre nous est différent à sa manière.
6 avril 2017
Je suis de retour sur mon blog, je m’excuse du délai, non seulement j’ai eu des problèmes techniques qui ont mis du temps à se résoudre… mais de plus, en toute humilité, j’ai souvent des angoisses et une tendance à tout remettre au lendemain. Je suis toujours étonnée de voir combien nous sommes tous plutôt puérils au fond. Grandir c’est peut-être s’apercevoir de plus en plus que la vie c’est ça. Maintenant que j’ai la cinquantaine je ne pense pas que j’ai accompli beaucoup en le réalisant !
Il me semble qu’un blog est un endroit où l’on peut décrire ce qui se passe dans notre vie de tous les jours : nombre d’entre nous vivent des expériences qui auront -ou n’auront pas- peut être de l’intérêt pour autrui. Mais beaucoup de nous n’ont pas la chance de pouvoir écrire un blog, ou ne veulent pas, ou ne peuvent pas, ou…
Mes sujets d’intérêt ces jours-ci sont :
- Ma pratique du zen et les investigations qui en résultent durant et après.
- Répandre la nouvelle que mon livre existe, et aussi les nombreuses rencontres que je fais grâce à lui (son titre est Being Seen et le site est com).
- Ma recherche quotidienne de projets de traduction du français à l’anglais et vice versa, une tâche difficile avec des résultats incertains.
Je ne suis pas si sûre que ces sujets vous intéressent, et c’est exactement pourquoi je me demande si la « mode du blog » est si valide. Ce qui m’importe le plus c’est que vous alliez bien, et je ne suis pas si certaine que mon blog va vous aider en cela…Je dois donc prendre refuge dans la foi que dans l’un des blogs que j’ai écrit vous trouverez quelque chose. Puisque la pratique du zen est au cœur de toutes mes activités, je vais aller droit à cela et en parler ici.
Cela fait maintenant plus de six mois que j’ai le bonheur de faciliter un groupe de méditation pour les personnes qui sont sur le spectre de l’autisme et/ou de la neurodiversité. Ce groupe se rencontre une fois par mois à l’université Dominican de San Rafael (Californie du Nord), dans un environnement magnifique et calme. Pour plus de renseignements, regardez sur le site autsit.net. Ce groupe est pour moi une aventure des plus enrichissantes, et j’y rencontre d’autres personnes autistes qui veulent méditer. Après notre temps de silence, quelque peu « adoucis », nous avons de courtes discussions parfois poignantes car nous avons un sens commun et sécurisant de notre autisme. Oh, et n’oublions pas la création récente et stimulante du repas de midi ; chacun apporte son propre repas et nous le prenons ensemble sur la véranda généralement ensoleillée.
Ce matin pendant que je faisais ma méditation zazen journalière, mon esprit a une fois de plus vagabondé vers le sujet de la mort…après laquelle nous sommes vite oubliés. Il ne faut qu’une ou deux générations pour que personne ne se souvienne plus de notre nom -à moins bien sûr que pour une raison ou une autre il reste dans l’histoire. Comme je garde encore une trace matérielle de mes grands-parents -par exemple des photos- il m’arrive parfois de penser à eux. Mais je ne peux en dire autant de mes arrières grands-parents et tous ceux qui remontent encore plus loin…toutes ces personnes qui existaient en chair et en os et devaient essentiellement vivre tout comme moi (sans compter les nouveaux développements dans l’environnement) et auxquelles je ne pense pas souvent en tant qu’individus. Si je commence à penser sous cet angle, il est fort possible que vous et moi soyons liés par le sang! Récemment j’ai visité les catacombes de Paris et tous ces os m’ont fait de l’effet.
Je pourrais faire plus de réflexions à ce sujet, mais je suis sûre que vous comprenez exactement ce dont je parle ; je m’en tiens donc à vous dire que, bien que je ne comprenne pas comment la méditation zazen fonctionne, son effet se fait DEFINITEVEMENT sentir : ma vie est transformée par cette simple pratique de rester assise droite, immobile et en silence ; je vous demande d’avoir foi en cela bien que les mots ne suffisent pas à l’expliquer. Cela ne signifie pas qu’après avoir commencé à faire zazen tout ira bien pour vous et vos problèmes seront soudainement résolus, loin de là. L’image des eaux tumultueuses que provoque la tempête m’apparait : les vagues se calment éventuellement.
LE LANCEMENT D’UN LIVRE
Puisqu’à ce moment-là je n’étais même plus capable de me débrouiller seule (surtout en dehors de chez moi), un ami moine-prêtre m’a emmené voir un neurologue. Celui-ci m’a enfin diagnostiquée officiellement et j’ai pu recevoir des traitements appropriés.
Quand est-ce que le lancement d’un livre débute et à quel moment se termine t-il ? Les 3,4 et 10 avril j’ai organisé trois présentations de lancement de mon livre sans avoir mon livre en main. Les copies physiques sont arrivées le lendemain de la dernière présentation ! J’étais -désolée à l’idée des gens que j’avais invités à venir pour mon livre…sans avoir le livre en main ! J’ai ainsi appris à la dure que lorsqu’il est prévu qu’un livre soit publié très bientôt, il peut encore y avoir de nombreux délais imprévus, et ce jusqu’à la dernière minute.
Pour chacune des 3 présentations je me suis minutieusement préparée. Tout d’abord j’ai fait imprimer de deux façons différentes des copies de l’image de la couverture du livre. L’un des imprimés était une «carte-brochure» et l’autre une carte de visite pour livre. Mon compagnon Greg et moi avons passé beaucoup de temps sur l’ordinateur et en va et vient, et cela m’a coûté les yeux de la tête. Pour 2 fois sur 3 des présentations, nous y sommes allés en vélo, et bien que la pluie soit très appréciée durant ces jours actuels de sécheresse, nous étions bien contents qu’il ne pleuve pas sur nous pendant nos trajets.
Le 2 avril, la porte pour une conférence sur l’autisme était ouverte à tous. L’évènement, qui a pris place sur les locaux une église à San Rafael, s’appelait « prendre conscience de l’autisme ». Une trentaine de tables étaient dressées et tenues par différentes organisations sur l’autisme, dont une pour moi et mon livre. Une autre auteure -d’un livre à propos de son fils autiste- se tenait à côté de moi. Nous sommes vite devenues amies et avons décidé que dans le futur nous devrions partager une table pour ce genre de conférence afin de pouvoir ainsi prendre des pauses nécessaires dans un environnement rendu bruyant par le fait que tant de personnes parlaient en même temps sou un seul toit. Au bout du compte, ce fut une bonne petite présentation avec beaucoup de visiteurs.
Le 3 avril fut un autre genre de présentation de mon livre : il a eu lieu dans la belle maison d’une amie habitant pas trop loin de chez nous. Son jardin est absolument splendide et comme il était en pleine floraison et que le soleil brillait, nous avons pu rester dehors tout en nous délectant de thé glacé…jusqu’à ce que le temps se refroidisse comme il arrive souvent au début du printemps. Cette fois ci j’ai lu à haute voix un chapitre de mon livre et j’ai donné à mes invités les « carte-brochures » que j’avais faites imprimer pour cette occasion. Tous ces gens étaient de bons amis à moi, dont un grand nombre de pratiquants du zen (pas tous cependant), et certains me connaissant d’avant le paroxysme de ma maladie, 7 ou 8 ans de cela. C’est pourquoi, lorsque j’ai fini de lire après une dizaine de minutes, je leur ai demandé de partager leurs expériences avec moi.
Le 10 avril, Greg et moi nous sommes rendus chez une autre amie et une autre belle maison, cette fois ci avec une vue imprenable sur San Francisco. Pour l’atteindre, nous avons pris le bus et marché pendant presque deux heures et demie. C’était beaucoup trop loin pour y aller en vélo et heureusement pour nous des amis ont pu nous ramener chez nous après la présentation. Les invités étaient très différents de la semaine d’avant : presque tous faisaient partis de la communauté autiste de San Francisco et ses environs. L’un des moments les plus marquants pour moi fut lorsque mon fils de 24 ans est soudainement arrivé de manière imprévue…juste au moment où je lisais un passage de mon livre à propos de l’une de nos expériences de réunion !
En conclusion, il faut que je souligne que tous mes invités furent extrêmement compréhensifs, nul ne m’a jamais reproché de ne pas avoir le livre en main. Chacun des trois évènements m’a aidé à me sentir bien, comme on peut se sentir lorsque l’on donne naissance à un nouveau-né. De plus, le sentiment d’être « quelqu’un » était nouveau pour moi, une expérience assez bizarre puisque généralement je me sens plutôt moindre. Je ne veux jamais oublier lors de présentations futures du même genre combien je suis privilégiée de me trouver ainsi d’ans une position d’auteure. Je suis persuadée que la même possibilité existe en chacun de nous, si les conditions pour cela sont offertes. Sans ma pratique du zen et ses nombreux résultats indirects, je n’aurais jamais pu me retrouver dans une telle position.
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UNE DOULEUR DANS LE COU
Bonjour à celui qui lit ce billet, et qui est certainement une personne toute comme moi, avec ses préférences, ses joies et malheurs, etc. C’est Anlor qui vous parle une fois de plus. Mon livre, écrit en anglais, «Being Seen/ a memoir about me : an autistic mother, a French immigrant and a Zen Student» sera publié au mois de mars, trouvez-le sur Amazon ! Ce billet est à propos de la douleur chronique dans mon cou, qui est profondément liée avec mon autisme et que j’ai maintenant depuis 16 ans.
Au beau milieu de la nuit (La Nuit) au début du nouveau millénium, je me suis soudainement réveillée avec une douleur terrible dans mon cou. Pour pouvoir aller vomir dans la salle de bains dans la pièce d’à côté, j’ai rampé jusque-là et j’ai eu des haut-le-cœur l’un après l’autre pendant une dizaine de minutes. Epuisée, je suis restée allongée sur le carrelage froid de la salle de bain jusqu’à ce que j’ai repris assez de force pour ramper de nouveau jusqu’à mon lit, où je suis restée immobile et réveillée jusqu’à ce que le jour se lève enfin.
Quand l’aube est apparue, je me suis rendue compte que je ne pouvais plus tourner mon cou à gauche, et la douleur à cet endroit était vraiment aiguë, mais au moins je pouvais me lever. Afin de tourner à gauche, je devais lentement tourner depuis le bas de mon dos. Puisqu’ à cette époque je n’avais pas d’assurance médicale, j’ai dû puiser dans mes faibles économies pour aller voir un chiropracteur. Comme en plus les deux sessions d’une demi-heure n’ont strictement rien fait pour soulager ma douleur, j’ai arrêté. Durant les cinq semaines suivantes, l’acte de conduire fut spécialement difficile, mais je n’avais pas le choix et devais continuer à vivre ma vie –qui à cette époque tournait surtout autour de celle de mon fils, qui avait alors huit ans.
J’ai dû ensuite faire plein de choses comme retourner à la fac à San Francisco State, enseigner et faire un peu de méditation assise, mais la douleur dans mon cou était toujours présente, et parfois elle devenait insupportable. Pendant six ans je l’ai tout simplement réprimée et ni moi ni personne ne savait quoi faire pour la soulager. Le nœud tendu qui s’était formé dans mon cou signifiait que je devais trouver des moyens de m’adapter pour faire mes tâches journalières, bien que des éruptions intenses et spasmodiques se multiplient avec le temps. Lorsqu’une nuit j’ai dû aller aux urgences, mes problèmes sensoriels ont rendu cette expérience un cauchemar. Je décris cela dans mon livre :
« Comme à cette époque je travaillais à temps complet, et ce pour la première fois depuis mon arrivée en Californie, j’avais une assurance médicale. Donc lorsque j’ai ressenti dans mon cou un spasme insupportable, j’ai tenté le coup et suis allée aux urgences. Ce n’était pas trop loin de chez moi, mais prendre un taxi était hors de question puisqu’en faisant cela je risquais de faire empirer le spasme dans mon cou : le chauffeur de taxi risquait d’avoir de la musique bruyante sur la radio ou un parfum artificiel. J’ai dû me conduire moi-même, ce qui était dangereux puisque je ne pouvais plus du tout tourner mon cou à gauche, mais il était préférable d’oser cela plutôt que de faire augmenter la douleur. Au moins comme c’était le milieu de la nuit la circulation était moindre. Le docteur qui m’a vue n’a su que me donner un médicament antispasmodique, ce qui m’a permis de retourner au travail mais n’a nullement adressé l’origine de la douleur. »
Six années plus tard, en septembre 2006, un matin ce qui devait arriver est arrivé : je me suis trouvée complètement paralysée dans tout le haut de mon dos sur la gauche et je pouvais plus lever mon bras. Je n’arrive pas à trouver un adjectif suffisant pour exprimer la douleur que je ressentis alors. Elle descendait jusqu’au bas de mon dos et me faisait boiter. C’était, ainsi que je l’ai entendu dire en parlant des personnes autistes, comme si un courant d’électricité passait dans mon corps. J’ai dû utiliser des béquilles pour me rendre chez le docteur à la clinique médicale où j’allais alors. Je ne comprends pas encore bien ce qui s’est passé, comment le docteur a pu croire que je boitais à cause de mon genou et non à cause de la douleur irradiant de mon cou. Plus tard j’ai finalement compris que ce fut là un bon exemple de mon incapacité à m’expliquer durant mes moments de stress extrême. Ce docteur, que j’avais déjà vu auparavant, pensait apparemment que j’imaginais mes problèmes de santé et ma douleur. Malgré le numéro 9 que j’avais indiqué sur l’échelle de douleur inscrite sur le formulaire des urgences de la clinique, il ne m’a donné qu’une référence pour aller faire des tests sur mon genou gauche !
De retour à la maison, la seule chose que je pouvais faire était des massages thérapeutiques par moi-même. Les premières nuits, juste avant d’aller me coucher, j’ai alterné l’usage du chaud et du froid sur mon cou pour un total de deux heures. Malgré cela et pendant plusieurs mois à venir, chaque nuit la douleur me réveillait dès que je bougeais dans mon lit un tant soit peu. Chaque matin durant plus de dix ans, j’ai fait des massages divers sur mon cou et ma colonne vertébrale, en utilisant aussi des compresses chaudes et froides et avec les jambes élevées et les genoux pliés.
Plus la douleur augmentait, plus je devenais sensible aux stimuli sensoriels tels les bruits, les parfums, les lumières, les mouvements, etc. Nombre d’incidents de ce genre sont décrits dans la troisième partie de mon livre. Les seuls deux dont je vais reparler ici sont ceux qui restent le plus imprimés dans ma mémoire :
> Le seul endroit où je pouvais me rendre « en sécurité » à l’extérieur était dans les collines. Durant ces balades, je faisais attention à bien rester en dehors des chemins très utilisés afin de ne rencontrer presque personne (de telles rencontres signifiaient trop souvent, par exemple, des voix ou de la musique bruyantes et des parfums trop forts). Un jour, alors que je me dirigeais vers un boulevard bruyant sur le versant opposé de l’une des collines près de chez moi, avec chaque pas le nœud dans mon cou se tendait plus. Quand j’ai finalement fait marche arrière, je me suis sentie comme un plongeur sous-marin en train de remonter à la surface, plus je m’éloignais du bruit plus la tension douloureuse dans mon cou diminuait.
> Par deux fois un individu auquel je faisais confiance m’a “envoyée balader” d’une manière nette. A chaque fois la douleur dans mon cou a immédiatement grimpée en flèche, j’ai eu la colique et ai dû m’allonger sur le sol en pleurant de manière incontrôlable. Quand je me suis relevée je boitais et pendant les trois jours suivants la douleur fut si aiguë j’ai dû reprendre mes béquilles.
Comme je devenais de plus en plus (et littéralement) folle de douleur, j’étais aussi de moins en moins capable de gagner mon pain. Avec difficulté j’ai continué mes séances journalières de zazen, puisque c’était la seule chose qui avait un sens pour moi et ne faisait pas empirer la douleur. Mes problèmes sensoriels sont devenus graduellement si aigus que je ne pouvais plus sortir de chez moi. A la dernière minute ma survie financière fut assurée lorsque la sécurité sociale des Etats Unis m’a décernée une pension mensuelle. Le programme d’allocation calWORKS, qui permet aux californiens dans l’indigence de recevoir de l’aide financière sous forme liquide, m’a aidé à faire les nombreuses démarches pour cela. Automatiquement, deux ans plus tard j’ai reçu une assurance médicale qui m’a enfin permis de voir un bon neurologue, avec l’aide d’un ami (je ne pouvais plus faire cela seule). Cet ami a eu l’intégrité de m’emmener voir le neurologue bien que lui aussi ne me croyait pas. Le neurologue a immédiatement diagnostiqué mon autisme et j’ai enfin reçu un médicament qui m’a réellement aidée, ce que je croyais impossible.
Quand j’ai enfin reçu ainsi de l’aide, et ce de plusieurs manières, la douleur insupportable et chronique dans mon dos a commencé petit à petit à diminuer (je continuais aussi mes soins intensifs à la maison). Deux ans plus tard, la douleur est finalement devenue supportable et j’ai pu ressortir un peu en public. J’ai trouvé le moyen de voir un chiropracteur et une thérapeute en Jin Shin Jyutsu, cela grâce au « Fonds pour Assistance aux Patients » de la fondation médicale Sutter et de son « Institute for Health and Healing ». Mon chiropracteur a dit à mon neurologiste qu’il n’avait jamais vu un tel cas pendant ses trente années de pratique. Présentement, en 2016, la douleur est encore là, mais elle ne m’empêche plus de vivre. Avec un synchronisme exact, la diminution de la douleur physique me fait supporter les difficultés sensorielles beaucoup mieux.
La courte vidéo ci-dessous est un exemple du genre de spasme que je ressentais encore jusqu’en 2014. C’est moi qui suis allongée pendant que mon chiropracteur tire sur mon bras. Une autre employée filme la situation.
Durant les 16 années que cette épreuve a durée, j’ai continué ma méditation assise, ce que l’on appelle zazen. Je reste persuadée que cette pratique est exactement la raison pour laquelle la qualité de ma vie s’est améliorée, permettant aux « rouages » de ma vie de revenir peu à peu sur les rails. Chaque jour lorsque je fais zazen je réfléchis sur cette douleur: elle est difficile à oublier puisqu’avec chaque respiration je peux ressentir la tension qui est nichée dans le haut de mon dos, mon cou et mon épaule gauche! Je n’arrive pas à croire que je suis la seule personne au monde à avoir l’expérience d’une telle douleur.
This entry was posted in Uncategorized on February 27, 2016 . Edit
Date Publication et ce que 3 auteurs disent de “Being Seen”
Hello,
Voici le second bulletin d’information à propos de mon livre Being Seen (Etre Vue). J’espère que vous le transmettrez à ceux qui peuvent être intéressés ; s’ils me donnent leur nom et leur email je peux les ajouter à la liste de ceux qui le reçoivent.
Cela fait déjà quatre mois depuis le dernier bulletin, et la production de mon livre a bien avancé. Tout d’abord, d’après mon éditeur et s’il n’y a pas de problèmes imprévus, le livre doit apparaître
MI-FEVRIER 2016 !
D’autre part, j’ai obtenu le soutien de 3 auteurs renommés. Leurs descriptions du livre seront indiquées sur la couverture de la fin du livre :
- “Du début à la fin, le mémoire captivant d’Anlor Davin est un livre fascinant. Il est à la fois tendre et turbulent, mais toujours honnête et suscitant l’inspiration alors qu’il méandre à travers les hauts et les bas d’un vécu avec un désordre du spectre de l’autisme.
— Liane Holiday Willey, auteur de Vivre avec le Syndrome d’Asperger : un handicap invisible au quotidien (Pretending to be Normal : Living with Asperger Syndrome) et de Mesures de Securité pour les Femmes ayant le Syndrome d’Asperger: Comment Sauvegarder une Vie de Femme Digne de ce Nom (Safety Skills for Asperger Women:How to Save a Perfectly Good Female Life).
- “Anlor Davin m’a permis d’entrevoir le monde d’une personne autiste. Intitulé Etre Vue de manière appropriée, son mémoire est le partage honnête et intime d’un parcours difficile : à partir d’une enfance douloureuse en France jusqu’à une pratique finale du Zen en Californie. Son courage transforme les malentendus sur l’autisme en empathie.”
— Susan Moon, auteur de Comment J’ai pu Vieillir aussi Vite: pensées Zen à propos du Vieillissement (This Is Getting Old: Zen Thoughts on Aging) et de La Lampe Cachée: Histoires en provenance de Ving-Cinq siècles de Femmes Eveillées (The Hidden Lamp: Stories from Twenty-Five Centuries of Awakened Women).
- “Ce livre est un récit d’un courage remarquable, donnant au monde une expérience profondément personnelle à propos du mûrissement jusqu’à l’âge adulte d’un individu appartenant au spectre autiste. Stoïquement honnête, il nous donne la perspective d’êtres humains dont le système nerveux central répond différemment à l’environnement physique et social. On y trouve beaucoup à apprendre et bien de la compassion peut être obtenue en lisant ce récit. Merci, Anlor, d’avoir eu la force d’écrire ce livre.”
— Richard Mendius, MD, neurologue, co-auteur du Cerveau de Buddha: les Sciences Neurologiques Pratiques du Bonheur, de l’Amour et de la Sagesse (Buddha’s Brain: The Practical Neuroscience of Happiness, Love & Wisdom)
Mon blog Autizen.com vous donnera plus d’informations. Le blog est écrit en anglais et traduit (par moi) en français. Si vous êtes français, le livre lui est écrit en anglais et que je ne sais pas encore s’il sera traduit en français.
Anlor (Anne-Laure) Davin
This entry was posted in Uncategorized on November 23, 2015 .
LETTRE AUX PARENTS D’ENFANTS AUTISTES
En 2011 j’ai écrit une Lettre aux Parents d’Enfants Autistes. Presque cinq ans plus tard, j’ai décidé de la recopier sur mon blog. Le seul changement que je ferais aujourd’hui est à propos de la dernière phrase, lorsque je demande aux parents de mettre des limites au temps que leur enfant autiste passe devant un écran, qu’il soit du genre ordinateur, IPhone, etc. La raison en est que je réalise mieux que ces appareils font désormais partie intégrale du monde d’aujourd’hui et qu’il est inutile de se battre contre cela. Bien évidemment c’est toujours une bonne idée de limiter le temps passé devant de tels écrans. Je connais un professeur (pour enfants autistes) qui a institué un “moment où les écrans sont éteints” dans sa classe: chaque jour il est demandé aux étudiants de quitter leurs écrans pour une durée d’au moins 45 minutes, et cette règle est apparement bien acceptée par les élèves.
Afin de montrer my sympathie à tous les parents d’enfants autistes, je vais aussi mettre une photo de moi à l’âge de quatre ans, j’étais toujours mécontente ou en train de pleurnicher, . Sur cette photo je suis à la plage avec ma mère et mon petit frère (cette photo se trouve en noire et blanc dans mon livre) :
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Chers Parents,
Ma psychiatre m’a suggérée de vous écrire une lettre, à vous les parents d’enfants autistes. Je suis une femme de 46 ans, autiste. J’ai un enfant qui a 19 ans. Une pratique stricte du zen m’a permis de survivre le terrible chaos et la douleur qu’est l’autisme, et en cours de route j’ai appris à mieux (bien qu’imparfaitement) m’exprimer afin que les personnes non-autistes puissent comprendre un peu mieux ce que je vis.
Bien qu’il arrive que je fasse preuve de comportements inhabituels et que mes limites soient clairement visibles, je suis parfaitement douée de tous les désirs humains. je fais partie de la race humaine. En tant qu’enfant je n’ai pas été cataloguée autiste et donc on attendait de moi des manières “normales”, par exemple un comportement convenable et la politesse. Parfois, cela m’a pris plus de temps que d’autres pour les apprendre, ou je les ai appris d’une manière inhabituelle, mais en fin de compte je faisais ce que l’on attendait de moi, si bien qu’en tant qu’adulte j’ai pu vivre indépendemment. D’après moi, ne pas s’attendre à des comportements “normaux” dans certains cas est l’une des pires choses qu’un enfant autiste puisse vivre, exactement parce que certains des comportements “normaux” permettent l’indépendence. Ne pas les avoir cause de plus notre retrait des gens auxquels nous ne faisons pas confiance.
Les conséquences de mon apparence “normale” ont aussi été terribles. J’ai caché mon agitation chronique à tout prix et certaines de ces répressions se manifestent maintenant comme de la douleur physique. Parfois j’envisage la personne humaine comme une étendue d’eau: certaines étendues sont calmes, d’autres agitées. La cause de cette agitation peut sembler invisible, comme l’est une source profonde sous l’eau. Ainsi que j’en fais l’expérience, le plus longuement une personne autiste cache sa vraie nature, le plus les nerfs se nouent et s’abiment. Lorsque mon fils est né, en plus de beaucoup d’anxiété émotionnelle, bipolaire et ainsi de suite, mon corps est devenu encore plus douloureux, jusqu’à il y a quelqes années quand je pouvais à peine fonctionner.
Je ne veux pas sembler folle, je ne le suis pas: seulement je suis différente. Il est fort possible que je réussisse à résoudre un problème particulier d’une manière différente ou qui prendra plus de temps mais le résultat final sera plus approfondi et aura ainsi plus de valeur pour moi. Si vous pensez que j’ai plus de limites que les autres, je soupçonne que cela n’est pas vrai. Lorsque j’étais encore enfant et que je ne pouvais pas l’exprimer, je ressentais immédiatement l’autosatisfaction de l’autre et elle provoquait mon retrait immédiat. Nous avons tous nos limites, les limites des autres peuvent ne pas etre aussi visibles, mais elles ont autant de réalité que les miennes.
J’ai dévouvert que les problemes sensoriels sont souvent la cause profonde de mon agitation “sous l’eau”. J’ai écrit dans un article, “Voici comment le monde me semble:
. Bruits de circulation, portes qui claquent et téléphones qui sonnent, beaucoup de monde, rires bruyants, télévisions et radios
. Parfums artificiels de toutes sortes, fumées des pots d’échappement, détergents de lessive
. lueurs d’objects métalliques en mouvements constants et multiples lumières abrasives”
Enfant je ne comprenais pas cela. Je croyais que j’aimais l’effet spécial que l’eau de cologue de mon père avait sur moi! J’ai inventé un mot pour décrire ce qui me rend malade: AGRUAR –pour AGressif, “RUshed” (“préssé” en anglais), ARtificiel. Les télévisions, les écrans d’ordinateur et tous les appareils de ce genre font partie de cette catégorie. Bien que votre enfant soit submergé(e) par eux, veuillez considérer le protéger de trop d’utilisation. Offrez à votre enfant le don des activités en plein air! La nature a toujours été un véritable réconfort pour moi.
Merci d’avoir pris le temps de lire cette lettre, et j’espère qu’elle va aider!
This entry was posted in Uncategorized on October 7, 2015 .
STRUCTURE DIFFERENTE SUR MON BLOG, NOTRE VIDEO, MON LIVRE, TASSAJARA ET AUTSIT
Puisqu’à chaque fois que je traduis en français mon blog, de multiple étapes sont requises, j’ai décidé qu’au lieu d’éditer le billet en anglais et y incorporer plus tard la traduction en français, il serait plus efficient de créer un tout nouveau billet pour la version française.
Voici quelques exemples de difficultés que je rencontre: le programme que j’utilise ne me permet pas de mettre directement les accents français (ou bien je n’ai pas encore découvert comment le faire), alors je tape tout d’abord ma traduction dans le programme Word, puis je la copie et colle sur le programme de mon blog. A chaque fois je dois réinsérer les deux ou trois photos à leur place correcte. Viennent ensuite de nombreuses autres éditions afin de corriger la traduction initiale, et à chaque fois je dois suivre ce même procédé. Finalement, je découvre souvent des fautes lorsque je relis le billet quelques jours plus tard, ou les amis français qui m’aident à corriger m’en montrent d’autres. La grammaire est souvent un aspect de ces corrections, mais le style aussi et parfois je découvre que j’ai traduit une phrase trop littéralement.
Pour remédier à cela, en plus des nombreux livres que je lis en anglais je vais me remettre à lire en français. Le hic c’est que je n’ai pas l’argent nécessaire pour acheter de nouveaux livres, et la bibliothèque de la petite ville où j’habite n’a que très peu de livres en français. Pour rester juste, cette bibliothèque a une grande valeur dans d’autres domaines; je n’aurais tout simplement pas pu m’en passer lors de ma maladie, quand j’arrivais à peine à m’y trainer. Les employés me donnaient souvent beaucoup de soutien, et parfois dans d’autres sujets que la lecture! Heureusement pour moi, une amie parisienne m’a fait connaitre un lien sur l’Internet qui me permet de lire sur ma tablette en français les auteurs français qui sont morts depuis longtemps. Je me suis immédiatement mise à relire l’un des premiers livres classiques en français pour les enfants que j’avais lu, et j’ai ainsi découvert que j’étais encore toute remuée par ce livre! Ma mère m’a aussi dit qu’elle m’enverrait quelques livres en français pour mon prochain anniversaire; comme elle aussi lit voracement elle a un sur trop de livres.
Au printemps mon compagnon et moi avons été filmés par une équipe de membres d’AASCEND (.org) et le résultat fût une vidéo d’une quinzaine de minutes. Elle est intitulée “Autisme en France”: dessus, mon compagnon Greg et moi discutons des expériences que nous avons eues avec les quatre organisations sur l’autisme qui nous ont reçues durant notre visite en France au printemps 2014. Juste après notre retour, nous avions déjà fait une présentation à AASCEND sur le même matériel. La vidéo peut être vue sur http://youtu.be/vMVcZdHezsY.
Au mois de mai dernier, mon livre (oui, celui que je tente de promouvoir par le médium de ce blog!) a été accepté par une maison de publication. Il est encore trop tôt pour en savoir plus, mais je promets de vous tenir au courant. Tout ce que je peux dire pour le moment est que la vingtaine d’agents littéraires que j’avais contactés sans résultat dans les six mois précédents m’avaient découragée. Ce n’est qu’avec la 3ème proposition, soumise par la poste et directement à la maison de publication, que mon livre a enfin été accepté. La maison m’a dit que j’aurais à faire moi-même la plupart de la publicité pour mon livre, donc je vous demande à tous si vous pouvez m’aider avec cela. Je suis sûre que vous pouvez tous comprendre l’excitation que je ressens.
Le mois dernier j’ai participé à un séminaire de cinq jours à Tassajara. Nombres d’entre vous savent que Tassajara est l’un des monastères de zen les plus importants de la Californie du Nord. Le monastère est renommé pour la beauté de son environnement naturel et ses sources chaudes, ainsi que la rigueur de la pratique du zen. Pendant l’été, il est ouvert sans qu’il soit nécessaire de pratiquer le zen ou pour des séminaires, et le public a aussi droit à une cuisine délicieuse préparée juste pour eux par les résidents habituels. La plupart des étudiants de zen en Californie du Nord sont allés un jour ou l’autre à Tassajara: s’y rendre est un peu devenu la marque d’un engagement sérieux dans la pratique du zen…et pourtant, bien que je pratique le zen depuis quinze ans, je n’y étais jamais allée! Le fait que mon handicap me rende l’accès aux monastères si difficile m’est très souvent lourd à porter. Mais récemment, comme je récupère peu à peu mes forces, un très cher ami qui connaissait ce rêve m’a fait un don financier pour que j’aille à Tassajara. J’ai aussi reçu un soutien très apprécié grâce à l’un de mes anciens maîtres, une femme qui avait été (il y a de cela sept ans) le témoin de certains des comportements qui accompagnaient ma maladie. La même femme avait aussi été l’abbesse du monastère de Tassajara pendant quelques années et elle avait dirigé tout spécifiquement ce séminaire de cinq jours pendant dix ans. Elle me connaissait donc assez bien pour pouvoir communiquer mes besoins aux résidents de Tassajara, qu’elle connaissait aussi.
Malgré toute la force de mon engagement dans la pratique du zen et la vraie beauté de l’environnement, aussi bien que le soutien d’un grand nombre de résidants et celui de la vingtaine de personnes qui participaient au même séminaire que moi, mes limites devinrent rapidement très claires. En seulement cinq jours je me suis trouvée trois fois dans une position douloureuse: la première nuit je n’ai pas pu dormir et le lendemain matin je me suis évanouie dans le dojo (la pièce où l’on médite), le jour suivant j’ai eu une forte migraine provoquée par le parfum lourd que l’un des membres de mon groupe portait, et finalement j’ai dû un jour porter dans l’atmosphère intense de la cuisine un plateau trop lourd pour moi.
Récemment mon compagnon et moi avons organisés une retraite de quatre jours pour des personnes autistes. C’était la 3ème fois que nous organisions ce genre de retraite, dans un chalet au sud du lac de Tahoe. Vous pouvez voir des photos de cela sur notre site Autsit.net. Le chalet ne peut accommoder qu’un petit groupe, et cette fois ci nous n’étions que cinq. Mais la durée des périodes de méditation assise (zazen) était plus longue que par le passé et l’atmosphère en résultant influençait le reste de nos activités, par exemple la préparation de la cuisine et la vaisselle que nous faisions chacun à notre tour.
This entry was posted in Uncategorized on August 22, 2015 .
5 OBSTACLES, № 5 de cette PUBLICATION, 5 ACCESSOIRES sur mon “CASQUE”
Le mois dernier je suis allée à une retraite pour femmes qui a duré trois jours et a eu beaucoup d’impact sur moi. La retraite était dirigée par deux femmes maîtres de Zen et les trente femmes (approximativement) qui y assistaient restèrent le plus souvent en silence et assises dans la position de zazen (la posture assise avec le dos bien droit de la méditation zen). Mais pas toujours, comme nous allons le voir. Voici une photo prise pendant la retraite, quand je menais les chants.
Habilement insérés dans des moments graves, le weekend comprenait également des moments d’amusement. Plusieurs fois pendant ces trois jours, nous nous sommes divisées en groupes afin de créer des sketches à l’aide d’accessoires et de textes. Un soir nous avons chanté ensemble quelques refrains. Encouragée par une amie vietnamienne qui parle couramment français, j’ai chanté avec elle la chanson française classique « Colchiques dans les Prés ».
Le sujet de la retraite et des sketches était « les Cinq Obstacles », des états utilisés dans le langage zen pour décrire ce qui mène la confusion dans les esprits. Ces états sont le résultat de difficultés, même petites. Le Buddha appelait ces états « obstacles » parce qu’ils entravent la capacité de l’esprit à évaluer clairement ce qui se passe. Les cinq obstacles sont :
. désir sensuel (et/ou le désir d’expérimenter divers sens)
. mauvaise volonté/colère
. torpeur/paresse
. agitation/inquiétude
. doute (corrosif)
Je suis sûre que chacun de nous a sûrement fait l’expérience d’un ou plusieurs de ces obstacles, et probablement plusieurs d’entre eux à différents moments de notre vie. Le sketch que j’ai joué, qui m’a le plus touchée a été quand on a demandé à mon groupe de présenter quelques minutes à propos de l’obstacle sur le doute corrosif (par opposition à celui de type plus sain, qui appelle la personne à se poser des questions). non seulement c’est l’obstacle devant lequel je me suis trouvé le plus souvent dans ma vie (bien qu’il soit loin d’être le seul !), de plus le passage qui nous a été donné à lire était aussi l’extrait que j’avais le plus aimé dans le livre The Hidden Lamp (La Lampe Cachée), ce livre n’est pas traduit en français). Son auteur, Susan Moon, était l’une des deux maîtres de zen qui conduisaient la retraite. L’extrait s’appelle « Faxiang’s recognition » ( la reconnaissance de Faxiang), en provenance de la Chine au 5ème siècle :
La religieuse Faxiang partageait souvent ses vêtements et sa nourriture, donnant le meilleur de tout à la religieuse Huisu. Les autres religieuses reprochaient cela à Faxiang en lui disant, « la religieuse Huisu n’est ni cultivée, ni cohérente. Quand elle a voulu étudier la méditation, personne n’a voulu lui donner des instructions parce qu’elle est la pire des idiotes. Pourquoi ne plantes-tu pas de graines de générosité dans un champ plus propice à la spiritualité ?
Faxiang répondit, « Il faudrait être un saint pour connaitre exactement la réalisation spirituelle du bénéficiaire de dons. Je suis une personne très ordinaire, donc j’aimerais mieux me conduire à ma façon. »
Plus tard, Huisu a dirigé dans la communauté une retraite de méditation de sept jours. La troisième nuit, lorsque les autres religieuses les autres religieuses ont arrêtées leur méditation, elle ne s’est pas levée et est restée dans un état de méditation profonde jusqu’à la fin de la retraite. C’est à ce moment là que les autres religieuses ont réalisés les capacités extraordinaires de Huisu, et pour la première fois elles ont compris la profondeur de Faxiang.
En tant que femme autiste, je peux facilement m’identifier avec Huisu, la femme qui n’est pas prise au sérieux. Je sais que la pratique du zen m’a aidé à progresser, jour après jour, et à parvenir a une plus grande clarté intérieure. Je souhaite que beaucoup d’autres pratiquants puissent aussi bénéficier de cette clarté. C’est un chemin long et ardu que je suis loin d’avoir complété moi-même. Motivée par tout cela, quand ce fut mon tour de me préparer pour le sketch, j’ai choisi de passer en scène avec mes propres accessoires et j’ai couru jusqu’à ma chambre les chercher. Il s’agit de ce que j’appelle mon « casque » : en plus des boules Quiès je mets une casquette, de grands écouteurs-protection bruit, mes lunettes de soleil et mon masque. Avec tous ces accessoires sur moi Je suis méconnaissable. Je les mets pour essayer de me protéger autant que possible de ce que j’appelle « AGRUAR », un terme que j’ai créé pour décrire en un seul mot tout ce qui me rend malade : AG pour « aggressive » (aggressif), RU pour « rushed » (pressé), AR pour « artificial » (artificiel) –c’est-à-dire les sons, les lumières et les odeurs indésirables. Voici une photo qui montre ce à quoi je ressemble quand je porte tous ces accessoires :
Bien sûr, en raison des remarques qui me sont souvent adressées par des inconnus que cela dérange quand je porte ce « casque », j’essaye de ne pas de ne pas porter les cinq accessoires à la fois. J’ai de la chance : plus je récupère, moins j’en ai besoin. Les lunettes de soleil et la casquette ne sont pas si différents de ce que tout le monde porte. Ces jours ci, je ne mets les grands écouteurs-protection bruit que lorsque je suis dans un bus ou sur mon vélo. Lorsqu’il fait sombre le soir, je dois aussi rajouter la casquette, ce dont j’ai horreur parce que cela paraît plutôt bizarre. Mais j’ai remarqué récemment des personnes qui portaient à la fois une casquette et de grands écouteurs par-dessus afin de pouvoir écouter leur musique !
Lors de la retraite, quand j’ai mis le casque complet (avec ses 5 accessoires) devant les autres, et que je leur ai expliqué pourquoi je faisais cela, et combien les remarques que je reçois alors me blessent, je me suis soudain sentie très vulnérable. Une autre femme de mon groupe m’a présentée en disant : « Je doute qu’on me prenne au sérieux » et je me suis effondrée sur le sol en larmes en serrant mes genoux.
Le même jour, dans la soirée, bien que normalement je ne puisse pas prendre part aux activités parce que je suis trop fatiguée et parce que la lumière me dérange beaucoup, j’ai décidé d’aller chanter avec les autres pour une fois. Quand je suis entrée dans la pièce où cela devait avoir lieu, la pénombre régnait bien qu’il y eut assez de lumière pour voir. Néanmoins une femme a commencé à se plaindre que la pièce était trop sombre…et elle s’est arrêtée en plein milieu de sa phrase quand elle m’a regardée. Voici une dernière photo qui est un gros-plan de celle au-dessus, quand je menais les chants pour le groupe.
This entry was posted in Uncategorized on March 23, 2015 .
LA QUESTION DE LA VIE ET DE LA MORT EST IMPORTANTE
Ce quatrième message sur mon blog est dédié à KALEB et GENE, les deux personnes dans mon entourage qui sont mortes le mois dernier. Dans de nombreux monastères zen, on frappe avec un maillet sur un bloc de bois s’appelant le « Han » pour avertir les moines qu’une séance de méditation va commencer. Conventionnellement les vers suivants sont inscrits sur le Han, et à certains égards c’est là un des textes principaux du zen. Les décès de Kaleb et de Gene me rappellent cela avec une certaine émotion :
La question de la vie et de la mort est immense,
La vie est brève,
Partie, déjà partie,
Réveillez-vous, réveillez-vous chacun d’entre vous,
Ne gaspillez pas cette vie.
Ces quatre dernières années, avec beaucoup d’aide, j’ai eu la chance de voir mes forces se renouveler et de pouvoir donc sortir plus souvent. J’ai ainsi pu rencontrer Kaleb et Gene plusieurs fois ; à chaque fois, faire leur connaissance un peu plus fut un grand honneur ; leur mort me poussent à faire le vœu de ne jamais oublier combien c’est un honneur de rencontrer tout un chacun ; leurs décès créent un vide dans la tapisserie de la vie et ceux qui ont vécu plus longuement avec eux ressentent encore plus cela. J’entends souvent l’expression de leur douleur et je tiens à leur dire que je suis avec eux. Tant de gens m’ont permis de rencontrer Kaleb et Gene qu’il serait impossible de les remercier tous : toute une vie m’a amené là ou je suis aujourd’hui.
Cependant je peux remercier ici ceux qui ont dernièrement rendu ces réunions possibles. Greg, mon compagnon, est celui qui me vient à l’esprit en premier puisque les deux personnes qui sont décédés font partie de sa famille. Etant donné que ni lui ni moi ne pouvons nous permettre de prendre l’avion, et que nous n’avons pas de voiture, beaucoup de gens nous ont aidé pour aller du point A au point B. La saison des vacances passé a rendu cela très claire : nous sommes allés à Los Angeles trois fois et devons y aller une quatrième fois à la fin du mois.
A chaque fois, nous conduisons les six ou sept heures avec Gus, merci Gus. Pour aller chez lui à partir de notre appartement (et vice versa), il faut plus d’une heure. A Thanksgiving Lin est venu nous chercher tôt le matin pour nous conduire directement chez Gus, merci Lin. Au retour, c’est mon fils Martin qui nous a ramené chez nous, il a fait ce va et vient plusieurs fois durant la saison des vacances, merci Martin. A Noël, nous avons voulu prendre les transports en commun afin de sortir de notre location assez éloignée et de pouvoir ainsi rencontrer Lin plus près de chez lui ; malheureusement, en raison du calendrier des vacances, nous avons du faire de l’auto-stop pour pouvoir être à l’heure à notre rendez-vous avec Lin, merci au propriétaire de la Lexus qui nous a conduit durant le trajet de quinze minutes. Cette liste de remerciements est incomplète, beaucoup d’autres personnes nous ont aidé pour les transports en commun ces dernières années : Manuela, Katie, Tom, Allison, Penelope, Bill, Dale, Annemarie…Au fond de mon cœur je n’ai pas oublié le grand merci que je vous dois. Vous m’avez tous permis de voir combien la générosité est vivante en chacun d’entre nous, ce qui est une réalité à laquelle parfois du mal à croire, et surtout pendant ma maladie il y a plus de quatre ans.
Parfois tous ces voyages sont durs pour moi. Durand l’un d’eux, récemment, à Los Angeles, une intense douleur m’a fait boiter pendant une quinzaine de minutes qui m’ont semblé une éternité car le bas de mon dos me faisait terriblement mal. Cela faisait un certain temps depuis que j’avais boité ainsi, et j’ai alors réalisé une fois de plus combien, même si je suis beaucoup plus forte que je ne l’ai été, je dois tout de même faire attention.
EN SOUVENIR DE KALEB ET DE GENE
P.S. Notre cher ami John est aussi décédé la semaine dernière
This entry was posted in Uncategorized on January 29, 2015 .
LA MEDITATION EST POUR TOUS ET LES TRAUMAS SE PRODUISENT DE TOUTE FAÇON
Le mois dernier, AASCEND, le groupe de soutien pour autistes adultes, parents et professionnels basé à San Francisco, a organisé sa huitième conférence. L’acronyme signifie « Autism Asperger Syndrom Coalition for Education Networking and Development », voir le site AASCEND.org
AASCEND 2014 conference http://www.aascend.org/?p=1066
Parmi les nombreuses présentations intéressantes (qui sont indiquées avec des photos sur le site d’AASCEND), pour la première fois de ma vie j’ai dirigé une session de méditation. Un ami, Tom, m’a aidé à faire cette présentation parce que mon partenaire, Greg, le co-président d’ AASCEND, était occupé avec les nombreuses autres choses qui se passaient ce jour-là durant la conférence.
Au cours de la conférence, une maman m’a posé une question que j avais entendue à plusieurs reprises déjà: «Je voudrai que mon enfant autiste fasse de la méditation, comment puis-je l’amener à cela ? J’ai répondu à cette maman, comme je l’avais fait aux autres avant elle, que si mes parents m’avaient demandé de faire de la méditation je n’aurais probablement pas voulu le faire. Mais après la conférence j’ai réalisé qu’il y a une bien meilleure réponse. Si la maman qui m’a posée cette question lit cela, voici ce que ma réponse serait : J’ai un fils et il s’est assis pour méditer avec moi plusieurs fois, et je crois que cela est la clé: si vous voulez que votre enfant médite, vous devez le faire avec lui.
La méditation n’est pas seulement pour votre enfant, elle est aussi une aide pour vous. Dans mon livre je parle de combien il est frustrant que nos parents aient tendance à nous voir, les autistes, comme le seul problème; ils ne se regardent généralement pas eux-mêmes. Mais en fait ils sont souvent une partie importante du problème quand ils ne parviennent pas à reconnaître que, enfants autistes et parents partagent une humanité commune, avec tous ses désirs et ses délires. Nombre de parents bien intentionnés font des efforts méritoires pour aider leurs enfants autistes à s’assimiler, tout en leur donnant en même temps le message qu’ils ont une déficience. Quand un parent arrive à se concentrer aussi sur ses propres manques, l’image devient beaucoup plus équilibrée et une vie harmonieuse de la famille devient possible, nous arrivons à nous rencontrer en tant qu’êtres humains. Notre « intensité autiste » nous brûle aussi, et ça fait mal, mais avant que nous devenions un peu plus conscients de nous-mêmes nous n’avons pas le choix à ce sujet, nous devons vivre avec elle. Pendant la majeure partie de ma vie je me suis demandé «qu’ai je fais de mal?”
Durant la session de méditation de la conférence j’ai lu un extrait de mon livre préféré de ces jours ci, “Formation à la Compassion», par Norman Fischer (Training in Compassion). J’ai été très inspirée par cette session, et plusieurs personnes dans le groupe m’ont dit qu’ils avaient eux aussi été inspirés. A présent j’espère trouver un moyen de mener des sessions de méditation pour les autistes adultes qui sont capables de fonctionner indépendamment.
Cette image se trouve sur le même lien que pour la conférence, ci-dessus
Juste parce que je pratique le zen et médite ne signifie pas que je sois autorisée à faire preuve de complaisance. Et au cas où je l’oublierais une expérience traumatique m’indique mes faiblesses. L’année dernière j’ai été très choquée lorsque la voiture que je conduisais m’a soudainement lâchée. Je l’avais empruntée à mon fils parce que je n’en possède pas moi-même. Je ne fais pas cela souvent, c’était un cas d’urgence parce que je devais participer à un spectacle de marionnettes dont le but est d’éduquer les jeunes enfants sur l’autisme (TheFriendTree.org). J’étais coincée dans le trafic et je pouvais sentir la transmission de la voiture (ou était-ce la batterie hybride, ou l’embrayage?) qui brûlait pendant que je roulais dans un tunnel célèbre dans la région de la baie de San Francisco parce qu’un camion-citerne y a explosé il ya quelques années (the Caldecott tunnel). Je conduis bien et je ne panique complètement qu’immédiatement après le pire, tout comme quand je suis de retour chez moi et que je me permets enfin de tomber en milles morceaux. Ce jour-là j’ai réussi à traverser le tunnel et à m’arrêter sur la bande d’arrêt d’urgence de la route nationale juste à la sortie du tunnel. Ce n’est qu’une fois garée là que j’ai commencé à sangloter hystériquement. Comme je n’oubliais pas que l’on comptait sur moi pour le spectacle de marionnettes, j’ai immédiatement passé plusieurs appels téléphoniques: Melissa, l’organisatrice du spectacle de marionnettes, pouvait venir me chercher de la petite ville d’à côté et elle pouvait également m’aider après le spectacle (de fait elle nous a aidés à pousser la voiture en haut d’une colline, pendant que son bébé dormait dans sa voiture sur le bas-côté de la route!). Mon fils s’est arrangé pour venir avec un ami (et Melissa et moi) remorquer la voiture, et mon partenaire m’a dit que je pouvais laisser une note sur le pare-brise pour signaler que la voiture serait enlevée dans les plus brefs délais. Durant chacun de ces appels, mes sanglots hystériques rendaient difficile pour mon interlocuteur la compréhension de mon discours, et ils m’ont tous dit plus tard combien cela avait été effrayant pour eux, mais ils m’ont tous réellement et pratiquement aidés. Quand une dépanneuse inattendue (et déjà remplie au maximum) s’est arrêtée à côté de ma voiture immobilisée, son conducteur a gentiment accepté de me conduire à l’endroit où je devais rencontrer Melissa. Je me souviens encore de son nom, Benjamin, de la compagnie “24/7 Towing and Road Service” (Remorquage et service de dépannage 24h/7). En partant j’ai eu du mal à écrire la note d’explication que j’allais laisser sur le pare-brise de la voiture en panne parce que que ma main tremblait violemment. Je n’ai pas dit à Benjamin que je suis autiste car cela effraye souvent , et pour expliquer pourquoi je sanglotais hystériquement et pourquoi je couvrais parfois de mes mains mes oreilles, mes yeux ou mon nez, je lui ai dit que j’étais extrêmement nerveuse et que j’avais un problème de sensibilités multiples vis-à-vis de l’environnement.
thefriendtree.org (spectacle de marionnettes)
La raison pour laquelle je décris cet incident c’est pour donner un exemple du fait que je demeure très vulnérable. J’ai tendance à prendre les choses trop au sérieux et si intensément que j’en deviens malade. A près un tel incident, trouver le sommeil prend plusieurs heures et mes nuits sont remplies de réminiscences nerveuses. Dans ma vie j’ai eu beaucoup d’autres incidents traumatisants, et certains ont provoqué des blessures dans mon corps. Je pense que la douleur chronique à la base de mon cou (qui rayonne dans mon dos et mon épaule gauche) est le résultat de traumatismes continuels.
This entry was posted in Uncategorized on November 14, 2014 .
A propos de ma pratique du zen
J’ai commencé à pratiquer le zen en 1999 quand je suis allée vivre pendant six mois dans un centre de zen (sfzc.org). Depuis lors, cette pratique spirituelle m’a subtilement et profondément transformée, et la façon dont je m’exprime dans mon livre le reflète certainement.
La base de la pratique du zen est de faire zazen. Faire zazen est une simple forme de méditation assise, le dos droit, en silence et dans une immobilité complète, sans aucune distraction extérieure. La manière dont les gens s’assoient varie ainsi que le temps de la séance- tout est décidé à l’avance et cela dure souvent environ quarante minutes – les pratiquants sont généralement assis le dos droit sur leurs coussins noirs (zafus) tandis qu’ils font face au mur, les yeux mi-ouverts.
J’avais 35 ans quand je suis allée vivre dans le centre de zen. Bien que j’aie décrite cette expérience dans mon livre, je n’avais pas assez de place pour tout dire, et je vais donc donner ici d’autres exemples d’incidents qui m’ont marqué pendant cette période.
Le plus souvent, je travaillais dans la maison des hôtes, à nettoyer les salles de bains et faire les lits. Quand un moine visiteur, qui était également à la tête d’une importante abbaye voisine, est venu m’aider à faire les lits, ce fut pour moi une leçon d’humilité.
Un matin, quand je suis allée nettoyer l’une des petites salles de cuisine, j’ai vu que la pièce n’avait pas été correctement fermée le soir précédent et que des ratons laveurs étaient entrés. Un mélange de lait, de sucre et de miel recouvrait le sol, mais le moine qui m’a aidée à nettoyer cela (en silence) ne semblait troublé en aucune façon.
Il est intéressant d’observer les changements qui ont eu lieu en moi sur une durée de seulement six mois. Quand je suis arrivée, je faisais souvent la vaisselle dans la cuisine principale. Le moine (une femme) avec lequel je faisais ce travail m’a semblé être très en colère contre moi quand j’ai tenté de tuer un cafard. Six mois plus tard, ce même moine a remarqué mon malaise quand j’ai écrasé par inadvertance une coquille d’escargot (dès que j’ai entendu le bruit, j’ai levé mon pied) et elle m’a gracieusement aidée à me sentir mieux lorsque nous avons dit une prière ensemble afin de réduire les dommages karmiques.
J’étais très troublée quand, lors de ma première ssshin (une période intensive de méditation), j’ai laissé tomber mes baguettes pendant l’un des repas “oryoki” silencieux. “Oryoki” est la manière formelle de servir et manger des repas qui se pratique dans les temples de Zen. Toutes les personnes présentes se sont arrêtées de manger lorsque le serveur principal est venu chercher mes baguettes, les a amenées devant l’autel au milieu de la salle, et a passé les baguettes à travers la fumée de l’encens dans une sorte de rituel de purification. Ce n’est que lorsqu’il me les a finalement redonnées que tout le monde a repris à manger. J’étais tellement choquée que j’ai eu mal au cœur et ai dû me forcer pour finir la nourriture qui était dans mes bols.
Dans une communauté où tout le monde était sympathique je restais souvent seule. Lorsque les résidents étaient autorisés à parler, à l’heure du dîner, je me retirais rapidement dans ma chambre ou j’allais me promener sur la plage voisine et je restais assise toujours sur le même rocher en regardant longuement la mer. Pendant les festivités du millénaire, qui ont duré bien après minuit, je suis allée me coucher à 19h30.
Bien que personne ne comprenne ce qui se passe en moi et que je me sente très seule, plusieurs «anciens» du centre de zen m’ont aidée quand j’ai dû trouver un appartement à louer. D’abord un moine m’a une fois prêté sa voiture afin de me permettre de faire mes recherches. Le jour où j’ai déménagé un second moine m’a donné son vieux zafu, le coussin noir pour faire zazen, et un troisième moine m’a donné une petite statue cassée du bouddha, ainsi qu’une petite nappe d’autel. Plusieurs fois après mon déménagement dans un appartement à proximité, le moine cuisinier (tenzo) du centre m’a apporté une portion du petit déjeuner qu’il avait préparé quelques heures plus tôt pour les résidents.
Enfin, dernier détail mais non le moindre, pendant plusieurs mois après mon déménagement (et jusqu’à ce que je déménage trop loin pour que cela reste possible) encore un autre moine m’a rencontré chaque semaine dans un café à proximité. Il faisait cela parce qu’il m’avait vu écrire, pendant que nous travaillions ensemble dans la cuisine du centre, les mots «au secours». A chaque fois que nous quittions le café lieu de notre rencontre, ce moine supérieur nettoyait notre table et rapportait nos plats sales dans la cuisine bien que ce ne fut pas nécessaire. Il devint pour moi un réel enseignant, et ses manières et son aide m’ont prouvé que la pratique du zen avait un véritable effet.
Quand j’ai quitté le centre de zen en 2000, j’ai commencé à faire zazen une fois par jour pendant trente minutes chaque matin. Cela ne me coûtait rien et ne nécessitait pas un grand effort physique de ma part (même si souvent cela demandait un grand effort mental). J’aspirais à faire zazen plus longuement alors j’ai augmenté progressivement sa durée.
Mais lorsque je suis devenue paralysée partiellement, le côté gauche du haut de mon corps, en Septembre 2006, cela m’est devenu très difficile. J’étais là, dans une douleur atroce, et il n’y avait personne autour de moi pour m’empêcher de glisser de mon coussin. J’ai dû me discipliner constamment pour ne pas bouger pendant tout le temps que je m’étais fixé(e), peu importe ce qui se passait dans mon esprit. Je m’imaginais vissée sur un tabouret immobile. Parfois, ce qui m’apparaissait mentalement était si difficile que j’attendais avec une grande impatience la fin de la période. Plusieurs fois, j’ai essayé d’utiliser le mur comme soutien, mais cela ne me donnait pas l’appui dont j’avais besoin pour mon cou. J’ai rêvé d’une chaise qui aurait un dossier haut et étroit avec des pieds coupés. A cette époque, il y avait dans mon appartement un grand miroir sur le mur en face de l’endroit où je méditais. Habituellement, je ne me regardais pas, mais quand je l’ai fait par hasard une fois, j’ai été effrayée de voir ma tête placée de travers sur un cou et une colonne vertébrale tordus. Cela m’a rappelé les photographies d’êtres humains anormaux que l’on peut parfois voir dans des livres médicaux. Chaque fois que je me regardais, je voyais la même déformation.
Au bout du compte, faire zazen n’a jamais aggravé ma douleur physique. Au contraire, si je continuais à chercher les moyens de la distraire, elle était plus que jamais présente, inaperçue et empirant, sans surveillance. Durant ces années, les événements zen étaient les seules sorties sociales auxquelles j’arrivais à assister, et c’est cela qui m’a permis de garder toute ma tête. Grâce à ma pratique du zen, la barre de ma vie s’est lentement redressée, conjointement des aides extérieures sont apparues, et j’ai pu trouver les moyens de mieux prendre soin de moi.
Aujourd’hui, je fais zazen environ deux heures par jour. Au début, je faisais 90% de cela seule à la maison, mais depuis que je reprends progressivement des forces, je suis plus capable d’aller le faire dans les groupes de zen à proximité de chez moi. Mon partenaire pratique aussi le zen et, ces trois dernières années, deux fois par semaine je dirige un groupe de méditation sur ordinateur, en utilisant un logiciel de vidéoconférence. Plus d’information sur cette activité se trouve sur le site autsit.net.
Grâce à cette pratique du zen je donne souvent l’impression d’une apparence recueillie, ce qui rend mon autisme plus difficile à voir.
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Ma bannière stim
La traduction en français se trouve à la fin de chacun des blogs
Mon nom est Anne-Laure (Anlor) Davin, et le but de ce blog est de promouvoir mon livre.
Son titre est «Être vu: Un mémoire sur moi, une maman autiste, une immigrante française et une étudiante de zen. J’ai terminé et j’y apporte actuellement les ultimes corrections. En plus de nombreuses limitations autistes par exemple les problèmes d’intégration sensorielle, ce qui signifie que je ne peux pas faire tout ce que je voudrais faire, je n’ai pas beaucoup d’argent et de nombreux amis m’aident pour les corrections finales, ce qui prend du temps.
Avant d’aller plus loin au sujet de mon livre, je dois dire que j’ai des scrupules pour écrire «je suis pauvre», car après tout, cela dépend de comment on regarde ce fait: en ce moment de ma vie, je suis tout à fait privilégiée : je demeure dans un endroit paisible, et le comté ou j’habite est très riche. Bien que je sois handicapée et que je ne travaille pas à l’extérieur, je suis autonome, j’ai un toit, de la nourriture et l’indispensable; je peux même voir de la verdure à partir des quatre fenêtres de mon petit appartement!
Mon prénom sur mon acte de naissance français est Anne-Laure; les prénoms avec un trait d’union sont communs en France. Cependant, après avoir vécu 27 ans aux États-Unis, j’en ai eu marre des fautes de prononciation constantes et j’ai imaginé un moyen plus facile de le dire afin que les gens s’en souviennent; Lorsqu’on me demande son orthographe, je dis «Anlor, comme les mots « and/or », (et/ou) mais avec la lettre « l » au milieu». Officiellement et quand je corresponds avec des personnes françaises, j’utilise l’orthographe officielle.
Je suis autiste, formellement diagnostiquée comme telle il y a quatre ans, lorsque j’ai eu 46 ans: ce processus fut si difficile et il y a tant de malentendus et de mauvaise information vis a vis de l’autisme que j’ai décidé d’essayer de démystifier cela pour les autres dans la limite du possible. Le titre “Être Vu” n’est pas tant pour dire que je veux que les autres sachent que je suis autiste, je veux plutôt que les autres comprennent les réalités de l’autisme.
Je suis l’heureuse maman d’un fils de 22 ans; J’ai immigrée aux États-Unis il y a 27 ans, et au cours des 15 dernières années, j’ai été immergée dans ma pratique du zen. Sans cette pratique, vous pouvez être sûrs que rien de tout cela ne serait arrivé; Soit je serais morte ou ma «présence d’esprit» ne serait plus.
Je me suis dit que dans ce premier blog, je vous raconterais l’histoire de ma bannière (la photo en haut de la page) à cause de sa signification particulière, tout à fait liée à mon autisme. J’ai inséré ce dessin dans mon livre, non seulement dans le beau format bannière ci-dessus, mais aussi séquentiellement en annexe à la fin de chaque chapitre – les lignes des cahiers scolaires sur lesquels je construisais cela apparaissaient en filigrane:
Il y a environ 35 ans, quand j’avais 15 ans et étais une adolescente autiste, j’ai conçu ce dessin comme un moyen de bloquer le trop plein d’émotions que je ressentais dans certaines de mes classes. Le modèle complexe que vous voyez sur la bannière a été un moyen de rivaliser avec mon frère pour attirer l’attention de mes parents: il avait peint un beau vase avec des fleurs, et mes parents ont encensé cette peinture, et l’ont affichée dans notre salle à manger. Je savais que je pouvais aussi faire un beau dessin, même si ce n’était pas le type habituel.
Voici ce que j’écris dans mon livre à ce sujet: «Ces comportements sont définis, dans le vocabulaire autiste, comme des «stims». Malgré la définition du dictionnaire à propos des comportements sur l’auto-stimulation ,je préfère la description donnée par autiste Carly Fleishman – lorsqu’elle avait quinze ans: «les médecins définissent l’auto-stimulation de manière incorrecte. Les «stims» sont un moyen de bloquer la surcharge sensorielle.» (Cette citation peut être trouvée dans «Une conversation avec Carly», à la fin de son livre «La voix de Carly).»
Afin de me révéler à mes parents, j’ai fait le dessin observé sur la bannière, et je l’ai encadré moi-même. J’ai été déçue: Mes parents n’ont jamais rien dit à ce sujet, et mon dessin a été mis hors de vue. Il y a quelques années, quand j’en ai parlé à ma mère lors d’une de nos conversations téléphoniques, elle s’en souvenait à peine et elle ne savait pas ce qui était arrivé au dessin Heureusement, quand j’ai finalement eu assez de force pour aller lui rendre visite il y a deux mois de cela , je l’ai retrouvé.
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